Analyses

Trois propositions pour une ZLECAf plus maritime et portuaire

La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) a pour ambition de faciliter les échanges, le commerce et la mobilité entre les Etats du continent. Des solutions maritimes et portuaires pourraient exister mais elles n’ont pas été incluses dans les éléments constitutifs de la ZLECAf. La fondation SEFACIL propose trois possibles solutions pour faire du potentiel maritime un espace de libre-échange intra africain.

Le texte original a été publié dans le Journal de la Marine Marchande sous la forme d'une tribune ouverte. L'objectif est bien de sensibiliser les acteurs publics et les producteurs de régulation internationale aux bienfaits d'une zone panafricaine de libre échange maritime avec des ajustements stratégiques et tarifaires au niveau des interfaces portuaires.

Port Autonome de Cotonou

Ci-après, la reprise du texte intégral du JMM en plus du lien qui renvoie directement au papier produit le mardi 9 février 2021.

Après de nombreuses années de négociations, une nouvelle zone de libre-échange a vu le jour en début d’année en Afrique continentale. Mais la dénommée ZLECAf a visiblement omis ses ports et le transport maritime. Comment le nouvel espace de commerce peut-il tirer parti du potentiel maritime ? Cabotage, réformes douanières cohérentes, politique tarifaire incitative, détaille la Fondation Sefacil. Une contribution de Yann Alix.

Fin janvier, un 40 pieds entre Shanghai et Lagos se négociait sur le marché spot près de 10 000 $. Cela a un double effet. D’un part, l’on assiste à un ajustement stratégique des opérateurs de lignes qui privilégient les ports dits d’éclatement comme Tanger Med ou des hubs régionaux comme Pointe-Noire ou Lomé. Par ailleurs, ces arbitrages dans les rotations déclassent des ports dits secondaires en les supprimant des services directs pour les reléguer dans des boucles de feedering sous-régionaux. Les tensions extrêmes observées sur le marché mondial, en particulier sur la disponibilité des 40 pieds, opèrent déjà sur des ports comme Douala ou Libreville qui constatent une feederisation de leurs dessertes.

Cette situation conjoncturelle mais exceptionnelle questionne dans la perspective d’un développement du cabotage africain de la ZLECAf. En premier lieu, une organisation maritime sous-régionale africaine est possible sur le plan opérationnel pour optimiser un maillage de services qui conjuguent navires transocéaniques de grande taille et flottes plus régionalisées. Aujourd’hui, cela s’orchestre selon des volumétries ultramarines qui entrent et sortent de l’espace commercial africain sans optimiser dans l’équation les potentiels d’échanges entre pays de la zone.

Maximiser les fonds de cale

Une politique tarifaire incitative pour maximiser les fonds de cale des navires feeders ouvrirait le marché maritime de la zone de libre-échange. Pour les armements, ce drainage maritime s’avère stratégique tant pour optimiser les remplissages des navires-mères que pour déployer de nouveaux liens maritimes sous-régionaux à l’instar de ce qui a été réussi en Asie du sud-est au moment de l’émergence économique des années 1970 et 1980. Serpent de mer très politisée, la renaissance des flottes maritimes nationales africaines pourrait alors devenir plus cohérente et réaliste dans la perspective d’un commerce africain facilité par la mer.

Les réformes envisagées dans l’actuel ZLECAf ne prévoient pas de mécanismes de soutien pour supporter le développement de flottes et de services de cabotage, ce qui pourrait être judicieux au vu des retours d’expériences européens et asiatiques. 

Équation économique 

Un autre point crucial de l’équation économique concerne évidemment le coût total du passage portuaire de la marchandise. La manutention, les droits de port et tous les autres droits afférents pourraient être reconsidérés pour rendre plus attractifs les solutions maritimes entre deux ports africains. Un assouplissement des grilles tarifaires pourrait être envisagé de manière concertée au profit des caboteurs régionaux avec des services de manutention et de stockage dédiés.

 La compétitivité des futures chaines de valeur intra-africaines exige de proposer des solutions innovantes de transport avec des fiabilités et attractivités tarifaires à tester pour qu’un effet vertueux s’enclenche. La création de nouveaux trafics et de régularités dans les volumétries pourrait alors équilibrer les investissements financiers consentis par les autorités portuaires et les manutentionnaires. 

Port Autonome d'Abidjan - terminal de vracs secs

Réformes douanières cohérentes

Le libre-échange commercial africain demeure compliqué par l’opacité de la gestion transfrontalière. Les tracasseries administratives et les pratiques informelles surenchérissent les droits et taxes payés par les importateurs, les exportateurs et au final les consommateurs africains. Avec un cabotage maritime stimulé par des incitatifs tarifaires portuaires, la logistique de circuits commerciaux entre Etats africains exige une simplification de procédures douanières.

Les coûts de transaction doivent être réduits via des réformes entreprises sous l’égide de la ZLECAf pour faire des ports des territoires prioritaires de la facilitation douanière africaine. 

Enfin, puisque les États africains veulent développer l’industrialisation pour pourvoir des emplois à une main d’œuvre jeune et pléthorique, des réformes douanières intra-portuaires agiraient comme des leviers pour fixer des investissements nationaux et internationaux dans des territoires logistiques à haute valeur ajoutée économique et sociale.

Le triptyque maritime-port-douane constitue une architecture qui projetterait la zone de libre-échange continentale africaine bien au-delà des seules frontières terrestres.

Et pour compléter le dossier, un autre article sur le même sujet, toujours publié dans le Journal de la Marine Marchande le 22 janvier 2021:

Publié le 9 février 2021